Dans une note publiée ce mardi 14 mars 2023, le Barreau de Port-au-Prince a dénoncé le comportement cynique de la ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Emmelie Prophète Milcé qui avait incité « implicitement les citoyens à faire face » aux gangs lourdement armés en évoquant de façon maladroite l’article 273 « reconnaissant le droit de légitime défense », dans un communiqué rendu public le 7 mars dernier.

Le Barreau de Port-au-Prince explique que «de manière laconique», la ministre de la Justice, Emmelie Prophète Milcé «rappelle expressément aux uns et aux autres, probablement à ce qu’ils n’en prétextent ignorance et apparemment pour faire face à la violence des bandits qui terrorisent la population, les dispositions des articles 272, 273 et 274 du Code pénal. À l’analyse de la situation actuelle, la note paraît viser particulièrement l’article 273 reconnaissant le droit de légitime défense».

«La référence inattendue aux prescriptions du Code pénal intervient à un moment où les actes d’enlèvement, de violes, d’assassinats, de massacres, d’incendies de quartiers et des déplacements forcés de population ont lieu quotidiennement, sans susciter de réaction des autorités étatiques, pourtant responsable au premier chef de l’ordre public. Sans la moindre manifestation d’empathie pour la souffrance de la population subissant dans sa chair et dans son esprit, ces autorités ferment les yeux sur la violence des gangs lourdement armés qui tenaillent toute la société», peut-on lire dans cette note portant la signature de la bâtonnière Marie Suzy Legros.

«Aussi, cette soudaine redécouverte des vertus de la loi ne marquerait-elle de paraître ironique pour un gouvernement qui fonctionne dans l’illégalité permanente, n’était-ce la situation dramatique que nous vivons et qui ne prête pas à rire. La ministre eût, en effet, gagné en élégance à nous épargner ce morceau d’humour noir. Elle eût également fait montre la cohérence en prêchant par l’exemple, lorsqu’on sait qu’au lieu de défendre leur domicile, comme elle nous le professe, plusieurs autorités en charge des questions de sécurité et demeurant dans des zones sensibles ont eu la diligente adresse de chercher refuge dans des résidences plus sûres», a écrit le Barreau de Port-au-Prince.

«Avec cette note, la ministre de la Justice, solidairement responsable des actes du gouvernement, est montée un degré plus haut dans le mépris vis-à-vis du citoyen, passant de l’indifférence au cynisme. En incitant implicitement les citoyens à faire face aux gangs armés munis d’armes de guerre et donc à se condamner à un suicide sans appel, le gouvernement semble parier sur le caractère funeste de notre sort à tous», a-t-il déploré.

Le Conseil de l’ordre des Avocats de Port-au-Prince a réaffirmé que «l’instrumentalisation à des fins d’opportunité politique est contraire aux principes de généralité et d’égalité qui lui confèrent sa force. Pour que la dignité de la norme juridique soit préservée, l’invocation de la loi ne doit pas être sujette au caprice des autorités étatiques elles-mêmes, soumises à ses contraintes et son application doit être intégrale».

Mackendy Jean

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